Le marché noir des devises en Algérie connaît une nouvelle étape de volatilité. Ce lundi 2 juin, l’euro, une des monnaies, affiche une nouvelle baisse face au dinar algérien. Selon les cambistes et observateurs du marché, le taux de change informel du billet de référence de 100 euros fluctue aujourd’hui entre 25 850 dinars algériens (DA) et 25 900 DA à la vente, tandis que les acheteurs s’acquièrent cette devise à un taux compris entre 25 750 DA et 25 800 DA. Ces chiffres illustrent une tendance baissière persistante qui trouve ses origines dans les dynamiques fondamentales de l’offre et de la demande, principales lois régissant le marché noir des devises en Algérie.
La situation actuelle : une baisse manifeste de l’euro
Les cambistes, figures emblématiques de ce marché parallèle, rapportent que l’euro, traditionnellement considéré comme une monnaie forte et stable, a subi une dépréciation notable par rapport au dinar. La baisse n’est pas simplement anecdotiques ; elle s’inscrit dans un contexte plus large de fluctuations dont les causes méritent une attention particulière.
Ce lundi matin, le billet de 100 euros, référence principale pour les transactions informelles, s’échange à des niveaux très proches de ceux enregistrés lors des dernières semaines, mais avec une baisse visible par rapport à certains mois précédents où l’euro se négociait à des taux plus élevés. Cela signifie que les détenteurs de devises européennes, notamment des membres de la diaspora algérienne ou des hommes d’affaires opérant dans le secteur informel, réalisent des gains moindres en revendant leur euro.
Ces chiffres doivent être compris dans un contexte où le marché noir des devises en Algérie joue un rôle crucial dans la gestion des flux monétaires, compte tenu des restrictions en matière de change fixes ou de contrôles rigoureux de la Central Bank (Banque d’Algérie).
Un marché dicté par la loi de l’offre et de la demande
L’analyse macroéconomique de cette situation révèle que la dynamique du marché noir est essentiellement influencée par la loi fondamentale de l’offre et de la demande.
Une offre particulièrement élevée
L’un des principaux facteurs explicatifs de cette baisse est l’augmentation sensible de l’offre de devises étrangères, notamment celle des euros, sur le marché informel. L’arrivée de nombreux membres de la diaspora nationale constitue une variable déterminante. En cette période, généralement marquée par les préparatifs pour la fête de l’Aid El Kebir, un afflux plus ou moins massif de voyageurs en provenance de France, d’Europe et d’autres régions du monde a lieu.
Les membres de la diaspora, soucieux de transmettre des fonds à leurs familles ou d’acheter des biens pour l’occasion, revendent leurs euros ou autres devises étrangères à des cambistes pour obtenir des dinars algériens. Leurs besoins ou leurs envies d’investir en Algérie, dans un contexte où l’accès aux devises comporte ses propres contraintes, permettent d’accroître considérablement l’offre de devises sur le marché parallèle.
Par ailleurs, certains désignent une libéralisation informelle du marché, par des réseaux locaux ou institutionnels, où l’accumulation et la circulation des devises se font à grande échelle, alimentant davantage la quantité disponible.
Une demande en baisse ou stabilisée
En revanche, la demande pour l’euro, quoique représentative de nombreux besoins, dans le contexte actuel, semble en retard par rapport à l’offre.
Plusieurs raisons expliquent cette faiblesse relative de la demande : d’abord, la dépréciation de l’euro par rapport au dinar peut dissuader certains acheteurs potentiels qui anticipent une poursuite de la tendance baissière ; ensuite, les restrictions sur l’accès aux devises dans le cadre de la politique monétaire de la Banque d’Algérie, ainsi que la crainte d’un marché à la volatilité accrue, incitent certains à réduire leurs achats ou à attendre une stabilisation.
De plus, la baisse du pouvoir d’achat et la baisse de la confiance dans la stabilité économique du pays jouent également un rôle dans cette dynamique. En période de crise ou d’incertitude croissante, les particuliers ou même certains acteurs économiques peuvent décider de repousser leurs achats de devises étrangères, ce qui contribue à faire baisser la demande.
La conjoncture : facteurs extérieurs et internes
La diaspora, un acteur clé
L’apport massif des membres de la diaspora nationale immobilière est une composante essentielle. Ces expatriés, souvent disposés à vendre leurs euros pour financer leurs dépenses ou investissements locaux, augmentent l’offre sur le marché. La période du mois de juin est traditionnellement caractérisée par une forte circulation de devises en provenance de l’étranger en Algérie.
La politique de change et la régulation officielle
Par ailleurs, la politique monétaire adoptée par la Banque d’Algérie, qui contrôle strictement le marché officiel, limite la liquidité en devises dans le circuit bancaire. La pénurie relative sur le marché officiel pousse les acteurs à se tourner vers le marché parallèle, où la législation est plus floue et où les taux de change fluctuent selon l’offre et la demande.
Impact sur les acteurs et l’économie informelle
Les cambistes et le marché noir
Les cambistes, acteurs centraux du marché noir, constatent que la tendance de baisse a pour conséquence immédiate une réduction de leurs marges bénéficiaires, puisque la différence entre le prix d’achat et celui de vente s’amenuise. Cela pourrait, à terme, inciter certains à ralentir leurs activités, ou à tenter de réguler leurs stocks pour éviter des pertes.
Les particuliers et les investisseurs
Pour les particuliers souhaitant acheter des euros, cette tendance peut représenter une opportunité d’acquérir la devise à des taux plus favorables, dans le contexte d’une instabilité prolongée. Pour ceux qui détiennent déjà des euros, la baisse de leur valeur par rapport au dinar peut réduire leurs gains potentiels lors de la revente.
L’économie informelle et ses enjeux
Ce marché parallèle, bien que vital dans le contexte économique algérien, pose des défis en termes de régulation, de sécurité et de transparence. La forte fluctuation des taux, liée à l’offre abondante, engendre une incertitude qui complique la planification pour ceux qui dépendant de ce marché.
Perspectives et enjeux futurs
La tendance actuelle laisse entrevoir plusieurs scénarios possibles :
- Continuation de la baisse : Si l’offre reste élevée et que la demande continue à stagner ou à diminuer, le taux de change de l’euro pourrait continuer à baisser, atteignant éventuellement des seuils plus bas.
- Stabilisation : Une fois que l’offre de devises aura été absorbée ou régulée, le marché pourrait atteindre un certain équilibre, avec des taux plus stables.
- Reversal : Une éventuelle remontée du taux pourrait intervenir si une réduction importante de l’offre est observée ou si la demande commence à croître à nouveau.